Finance climat, sukuks-comment mieux exploiter les sources de financement innovantes en Afrique : cas pratiques

Finance climat, sukuks-comment mieux exploiter les sources de financement innovantes en Afrique : cas pratiques

Face au déficit criant de financement sur le continent, l’Afrique doit adopter des instruments innovants tels que la finance climatique, la finance islamique, qui offrent un pool élargi de liquidités, un mode privilégié de mobilisation de ressources.

Ces dernières années, l’Afrique a su maintenir la trajectoire de la croissance. Le continent continue de se construire. De çà et là, les grands projets émergent pour accélérer la dynamique. Mais ces mouvements en avant ne manquent de subir les forces de frottement tout aussi intenses les unes que les autres : le conflit russo-ukrainien, la Covid-19, le dérèglement climatique viennent s’ajouter à une crise structurelle de l’emploi. A cela se greffe le manque d’accès au financement, un défi persistant pour de nombreux pays africains, entravant leur capacité à atteindre un développement économique et social durable.

Or, il faut financer cette croissance et plus encore, le développement !

Selon Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, les besoins de financement pour les infrastructures en Afrique seuls se chiffrent entre 130 et 170 milliards $ par an. Le déficit de financement s’élève jusqu’à 108 milliards de dollars par an.  Quand on ajoute les contingences climatiques, le continent a besoin chaque année de 280 milliards $ pour atteindre ses objectifs de CDN (Contribution déterminée au niveau national).

Pour combler ce déficit, nous pensons à Sirius Capital, qu’il sera crucial pour les décideurs africains d’explorer davantage les sources de financement sous-utilisées telles que la finance climatique, la finance islamique et le capital-investissement.

La finance climatique, qui vise à soutenir les projets qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre et qui aident les communautés à s’adapter aux changements climatiques, est l’une des sources de financement les plus prometteuses en Afrique.

Selon le Centre de développement de l’OCDE, l’Afrique est le continent le plus vulnérable aux impacts des changements climatiques, constats corroborés par la BAD qui indique dans l’un de ses rapports rendus publics en mai 2022, que 9 des 10 pays les plus affectés par le dérèglement climatique, sont en Afrique.  Et pourtant, le continent ne reçoit que 2% des investissements mondiaux dans les projets climatiques en énergies renouvelables, par exemple. 

Il existe cependant des exemples de projets réussis de finance climatique en Afrique.  Le parc éolien de Lake Turkana au Kenya, le plus grand d’Afrique, financé par un collège d’investisseurs internationaux multilatéraux comme privés (Proparco, la BEI, TBD, la BAD, OPIC, etc) est une intéressante illustration de ce que la finance climat peut être un puissant outil de réponse aux enjeux de développement du continent.

Ce projet de 680 millions $ représente d’ailleurs le plus grand investissement privé de l’histoire du Kenya. Depuis sa mise en service, le parc produit déjà 310 mégawatts, plus de 15% des besoins en électricité du pays, et permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 380 000 tonnes CO2eq par an.

Cette association gagnante institutions de développement – secteur privé, est la parfaite illustration de ce que la blended finance (utilisation d’instruments de financements publics afin de permettre d’attirer des financements privés) peut offrir comme gage pour le développement de projets durables impactants, en créant un écosystème fertile aux investissements climat pour le secteur privé.

En ce qui concerne la finance islamique, notamment les sukuks (obligations islamiques), il s’agit ni plus ni moins de l’une des sources de financement les plus prometteuses sur un continent qui n’a, jusque-là, saisi qu’une infirme partie de cette opportunité de financement.  Depuis 2014, environ 2,3 milliards $ ont été levés en Afrique par le biais de sukuk.

Cependant, les obligations islamiques africaines ne représentent jusqu’à présent que 0,5 % du marché mondial des sukuk. Un potentiel de liquidités peu exploité d’autant que le désir sur le continent de renforcer les liens d’investissement avec les économies à croissance rapide du Golfe et d’Asie qui ont de grandes populations musulmanes avec de grands réservoirs de capitaux était censé contribuer assurément, à stimuler l’émission de sukuk sur le continent. Pourtant que ce soit en Côte d’Ivoire,  au Sénégal, au Nigeria, au Togo, en Tunisie, ou au Maroc,.. des exemples de projets financés par des sukuks réussis, il en existe.  

Au Nigeria, une récente initiative d’incursion sur le marché des sukuks, alors que le pays est aux prises à une récession aiguë, a été surtout saluée par les investisseurs musulmans qui n’étaient pas disposés à investir dans des instruments classiques portant intérêt. Ces derniers ont trouvé dans l’option du bureau fédéral de la dette (Debt Management Office – DMO) , une opportunité de participer également activement au processus de collecte de fonds privés pour le développement de projets d’infrastructure dans le pays. Le Nigeria démontre que les sukuks peuvent changer la donne. Selon le ministre nigérian des Travaux publics et du Logement, Babatunde Fashola, « le premier Sukuk de 100 milliards de nairas a été déployé pour financer 25 routes et a livré un total de 482 km de nairas ; le deuxième Sukuk en 2018 a été déployé sur 28 routes et il a livré un total de 643 km ; le troisième 2020, de 162 milliards de nairas a été déployé sur 44 routes et a livré 757 km.”

Sur les dernières années, aux côtés de la Banque islamique de développement (BID), principal soutien à la promotion du recours à la finance islamique sur le continent, les arrangeurs africains ont suffisamment progressé pour lever un certain nombre de freins dans la compréhension et la structuration de ces instruments novateurs.

On se souviendra notamment des opérations de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Togo, du Burkina Faso ou encore du Mali où des arrangeurs régionaux comme Sirius Capital et d’autres SGI, ont été activement aux côtés des Etats pour les aider à structurer leurs émissions de sukuk, soldées toutes par des succès retentissants.

A l’heure où un cadre réglementaire se met en place par ci et par là, ces exemples viennent confirmer qu’il y a bien un potentiel, une dynamique que les Etats africains doivent maintenant s’approprier dans leur quête de combler le déficit de financement.

Ismael Adam Cisse, Directeur Général, Sirius Capital

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