Pour la ZLECAf, le développement des chaînes de valeurs à l’échelle continentale passera par 4 secteurs prioritaires

Pour la ZLECAf, le développement des chaînes de valeurs à l’échelle continentale passera par 4 secteurs prioritaires

Depuis son opérationnalisation en 2021, la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) tente de se déployer de manière effective en s’appuyant sur plusieurs initiatives. Celles-ci ciblent des secteurs spécifiques à fort potentiel de valeur ajoutée.

Lors de la 7e édition du sommet africain du commerce et de l’investissement « Ifrane Forum » qui se déroule actuellement au Maroc, les débats ont porté entre autres sur l’identification de ces secteurs et la manière dont les entreprises privées peuvent y prendre une part active.

D’après la BAD, la part de l’Industrie manufacturière africaine dans la production mondiale est tombée à 2% en 2021 et le continent reste peu intégré dans les chaînes de valeur mondiales. Cette situation est due à la faible industrialisation du continent qui elle-même est liée à la faiblesse de ses chaînes de valeurs.

A titre illustratif, en Afrique subsaharienne, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB a baissé, passant de 13% en 2000 à 10% en 2017, tandis qu’en Afrique du Nord, cette part a baissé de 28% à 20% sur la même période. L’indice de l’industrialisation de la BAD indique pour l’ensemble du continent un score de seulement 0,5270 sur 1 en 2021.

Alors que la ZLECAf cherche à accélérer son déploiement pour respecter l’agenda de l’Union africaine, les experts de l’Organisation se sont penchés sur un éventail de solutions à mettre en œuvre pour relever le défi de l’industrialisation de l’Afrique.

Intervenant au cours d’un panel de l’Ifrane Forum 2023, Mme Cynthia Gnassingbe-Essonam, conseillère principal Secteur privé au Secrétariat de la ZLECAf, a révélé que 04 secteurs ont été identifiés comme prioritaires par la ZLECAf sur les 10 prochaines années, pour créer des chaînes de valeur essentielles pour l’industrialisation du continent et la promotion du commerce intra-africain.

Ces secteurs sont considérés comme des catalyseurs de croissance pour les petites et moyennes entreprises (PME) du continent et sont identifiés sur la base de critères que sont : la demande existante par rapport aux produits du secteur, le potentiel d’augmentation de la capacité de production actuelle ainsi que l’impact potentiel sur le niveau du commerce intra-africain.

L’automobile et le transport comme leviers essentiels

Avec un marché potentiel de plus de 1,7 milliard d’habitants, le secteur automobile africain dispose d’une grande opportunité pour son développement. Cependant, ce potentiel est sous-exploité à l’heure actuelle, en raison de la faiblesse de la production continentale qui peine à satisfaire les besoins locaux et expose donc les économies aux importations.

« On sait qu’aujourd’hui, pour un continent qui représente 17% de la population mondiale, l’Afrique produit un peu moins de 2 millions de véhicules par an. Et cette production est distribuée entre le Maroc, l’Egypte et l’Afrique du Sud » a expliqué Mme Gnassingbe-Essonam. « Mais si on compare notre population à celle de l’Inde par exemple qui produit pratiquement 5 millions de véhicules par an, on remarque qu’il y a un gap de plus de 3 millions de véhicules qui représente une opportunité en termes d’investissement pour le secteur privé africain ainsi que les pays qui veulent se positionner dans cette chaîne de valeur » poursuit-elle.

Ces dernières années, les investissements automobiles ont fait l’objet de politiques publiques dans plusieurs pays du continent, mais les efforts restent insuffisants, entre autres en raison de leur faible mutualisation pour créer une véritable chaine de valeur africaine.

Cette situation se remarque également dans le domaine du transport et de la logistique, où les investissements, bien que conséquents ces dernières années, ne permettent pas encore à l’heure actuelle de réduire le gap infrastructurel de l’Afrique. La Banque africaine de développement (BAD) estime, par exemple, que les besoins d’investissement dans les infrastructures africaines sont compris entre 130 et 170 milliards $, chaque année, ce qui équivaut à un déficit de financement estimé entre 68 et 106 milliards $ annuels. Malgré la multiplication et l’agrandissement des ports et des routes, l’interconnexion des réseaux de transport et de logistique du continent restent insuffisante et nécessite une mutualisation des efforts sous-régionaux.

Le secteur pharmaceutique et l’Agro Business    

L’apparition de la crise du Covid-19 en 2020 a mis en lumière les insuffisances des industries pharmaceutiques africaines. D’après un rapport publié conjointement par l’Agence française de développement (AFD) et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) en 2021, 97% de l’approvisionnement annuel du continent africain en produits pharmaceutiques est issu des importations. Cette dépendance qui se chiffrait à plus de 20 milliards $ en 2018 présente non seulement un risque sanitaire pour les Etats du continent qui retrouvent relégués au second plan par les producteurs mondiaux privilégiant leurs pays d’origine pendant les crises internationales, mais également un manque à gagner important pour les économies et entreprises locales.

Consciente de cette faille l’Union africaine a annoncé un plan pour réduire la facture d’importation du continent. En dehors de la création de l’Agence africaine du médicament, l’institution souhaite miser sur la coopération sous-régionale ainsi que sur les projets nationaux issus, tant des pays ayant déjà une bonne expérience en la matière (Maroc, Afrique du Sud, Tunisie, etc.) que des Etats qui ont récemment affiché leur ambition de développer le secteur.

Enfin, l’Agro Business qui constitue lui aussi l’un des domaines d’investissements prioritaires identifiés par le secrétariat de la ZLECAf, est l’un des secteurs dont le caractère vital ainsi que les opportunités ont été mis en lumière par des crises, notamment celles du Covid-19 mais aussi la guerre en Ukraine. « Quand on regarde un peu le contexte dans lequel nous sommes aujourd’hui (…) on parle d’insécurité alimentaire alors que nous avons toutes les ressources qu’il faut sur le continent pour pouvoir être véritablement autosuffisant dans le secteur » a révélé Cynthia Gnassingbe-Essonam.

Spécialiser les économies pour renforcer leur complémentarité

Pour exploiter au maximum les potentialités offertes par ces 04 secteurs, la ZLECAf veut tailler la part belle aux PME qui représentent environ 90% du tissu économique de l’Afrique. De l’avis unanime des experts et responsables présents au Ifrane forum 2023, le secteur privé doit être au cœur des de la transformation structurelle des économies africaines et donc de la mise en œuvre de la ZLECAf.

Pour accompagner cette dynamique, chaque pays doit créer des opportunités pour ses entreprises nationales, en identifiant ses avantages comparatifs par rapport à ses pairs et en facilitant une spécialisation de ses industries dans un secteur ou sous-secteur, représentant un maillon de la chaîne de valeur continentale.

« Il faut donc voir comment faire un profiling de nos capacités et de nos avantages comparatifs. Dans le secteur automobile par exemple, nous avons des pays tels que le Liberia et la Côte d’Ivoire qui produisent de l’hévéa qui peut être utilisé pour le caoutchouc et donc pour la fabrication des pneus ou l’Ethiopie qui est dans la production de cuir et qui peut se positionner sur la fabrication des sièges de voiture » illustre Cynthia Gnassingbe-Essonam. Et d’ajouter : « Quand on parle du secteur automobile, il ne faut pas seulement se limiter aux investissements dans l’assemblage, mais plutôt voir jusqu’à la partie composantes ou pièces qui entrent dans le processus de construction des véhicules et qui peuvent générer plusieurs milliers d’emplois ».

Ce changement de paradigme devra s’accompagner de souplesses réglementaires et de financements de la part des Etats pour faciliter le positionnement de leurs entreprises locales sur ces chaînes de valeur, mais également d’initiatives proactives et ambitieuses de la part du secteur privé.

« Il faut investir dans les infrastructures (…), il faut investir dans les écosystèmes à travers les plateformes logistiques, les zones économiques spéciales et améliorer la gouvernance, tout en mettant l’accent sur les technologies et les énergies » a recommandé Youssef Krisni, Responsable Développement Banque de détail à Attijariwafa Bank.

« Les opportunités sont là, mais il faut les saisir dans le cadre de la ZLECAf, car elle offre des instruments et des dispositifs pour soutenir le développement de ces chaînes de valeur. Et il faut qu’on travaille davantage avec le secteur privé pour qu’il puisse intégrer ces chaînes de valeur là » précise Mme Gnassingbe-Essonam.

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