Capital-risque : Ce qui s’est passé dans l’écosystème africain des start-up en 2022, en 10 graphiques

Capital-risque : Ce qui s’est passé dans l’écosystème africain des start-up en 2022

Retour sur les grandes tendances de l’écosystème du financement des start-up en Afrique en 2022.

Selon les derniers chiffres de la plateforme Africa the Big Deal, l’appétit des investisseurs pour l’écosystème start-up africain en pleine croissance ne faiblit pas, malgré les incertitudes économiques et des craintes de récession qui ont, entre autres, précipité la chute des valeurs technologiques dans le monde.

En 2022, les capital-risqueurs axés sur l’Afrique y ont injecté au moins 4,85 milliards $, légèrement au-dessus des 4,6 milliards $ collectés par les start-up africaines un an plus tôt. Mais selon Max Cuvellier, co-fondateur de la plateforme, ce montant pourrait être revu à la hausse, et dépasser les 5 milliards $, « étant donné que les opérations du 31 décembre sont toujours sous-estimées ».

Même si sa progression est restée marginale (moins de 5%) par rapport aux autres années, le continent est resté l’une des rares régions à avoir maintenu une croissance. Il y a eu plus de 1 000 transactions de 100 000 $ ou plus annoncées en 2022, soit une augmentation de 11 % par rapport à 2021. Plus de 1 000 investisseurs uniques ont participé à au moins une transaction, soit une progression de 15%, comparativement à 2021. Ces chiffres montrent que le secteur des start-up en Afrique, en pleine croissance, est resté résilient face aux vents contraires.

Ces performances ne sont cependant pas une surprise – l’écosystème a engrangé 1 milliard $ au cours des sept premières semaines de l’année. Cette prise représentait plus de 25% du montant total de 2021 – et s’accompagnait d’un peu plus de 130 transactions.

Le big four toujours en tête, mais…

Avec plus de 3,6 milliards $, soit 75% des fonds mobilisés, le big four, constitué du Nigeria, du Kenya, de l’Afrique du Sud et de l’Egypte, continue de dominer la scène. Ces chiffres restent toutefois en deçà de 3% de leur performance en 2021, ce qui est dû à la baisse de performance au Nigeria et en Afrique du Sud. Les montants mobilisés par les start-up nigérianes ont chuté de 29%, en raison notamment de la baisse des deals de plus de 100 millions $. En 2021, ils étaient au nombre de 5, Opay, Flutterwave, Andela, Trade Depot, Palmpay. En 2022, seules Flutterwave (250 millions $) et Interswitch (110 millions) $ ont réussi à franchir cette barre.

En Afrique du Sud, la chute est plus brutale. Les montants levés ont baissé de 47%. Ces contre-performances du Nigeria et de l’Afrique du Sud, les deux plus grandes économies du continent, ont été amorties par le dynamisme des écosystèmes kényans et égyptiens. De 418 millions $, les start-up du pays d’Afrique de l’Est ont capté 1 063 millions $ l’an dernier, soit une hausse de 154%. La progression est moins prégnante en Egypte, mais assez confortable.

Les VCs prêtent attention aussi à d’autres marchés 

Bien que ces chiffres contrastent avec les fonds levés par les autres pays, de plus en plus de VCs ciblent désormais d’autres marchés du continent : Ghana, Tunisie, Algérie. On a plutôt assisté à une bonne moisson dans ces pays. Bien que pour la plupart, le bon résultat est beaucoup plus tributaire d’un megadeal isolé qu’un mouvement d’ensemble.

C’est le cas de l’opération de 200 millions $ de l’opérateur d’énergies solaires, PEG Africa au Ghana, du deal de 150 millions $ de Yassir, la start-up algérienne de VTC, ou de la transaction de 100 millions $ bouclée en début d’année par InstaDeep, la biotech tunisienne axée sur l’IA, rachetée en début de cette année 2023 par BioNtech.

Au Sénégal, c’est surtout Wave qui propulse le pays de la Téranga. Après son tour de table record de 200 millions $ en 2021, la start-up de mobile money a remis le couvert en 2022, une opération soldée par la levée de 91,5 millions $, confortant le Sénégal dans le top 10 africain.

Au total, hors big four, les start-up ont levé 1,2 milliard $ en 2022, nettement mieux qu’un an plus tôt.

La fintech tient toujours en tête, mais perd des plumes

La fintech est demeurée la principale récipiendaire des investissements en capital-risque sur le continent avec 37% des fonds injectés sur la scène africaine. Plus de 80% de ces financements sont allés au big four.

Cependant, les performances des start-up de technologies financières se sont émoussées. Les montants qu’elles ont levés ont sensiblement baissé d’une année à l’autre, passant de 2,5 milliards $ en 2021, à seulement 1,8 milliard, soit une chute de 27%. Cette situation est induite par la baisse d’activité au Nigeria et en Afrique du Sud.

Le Kenya tient le lead sur les investissements dans l’eau et les énergies

Si le Kenya s’est positionné comme la deuxième destination des financements, c’est grâce aux injections massives reçues par ses jeunes pousses spécialisées dans le secteur de l’énergie et de l’eau. Les start-up kényanes opérant dans ce secteur ont signé 15 deals, dont trois ont été conclus par Sun King, un fournisseur de systèmes solaires off grid pour les foyers.  Le 27 avril 2022, l’énergéticien, ex-Greenlight planet a annoncé avoir finalisé une série D de 260 millions $ dirigée par BeyondNetZero, l’entreprise d’investissement climatique de General Atlantic. A cela s’ajoutent deux autres cycles de financement de 70 et 10 millions $, ce qui fait cumuler le total mobilisé par la start-up qui se revendique kényane à 340 millions $.

A la vitalité du secteur, il faut également associer le rachat par BBOXX de la start-up ghanéenne PEG Africa, pour un montant de 200 millions $ en septembre de la même année.

Au total, le secteur de l’énergie et de l’eau a attiré deux fois plus qu’en 2021, soit plus de 874 millions $.

Yassir, porte-étendard de l’e-logistic et l’e-commerce

L’autre secteur tout aussi dynamique en 2022 est celui des transports et logistiques, mené par la start-up de VTC algérienne Yassir, avec son tour de table de 150 millions $ bouclé en novembre dernier.

On notera également la levée de 125 millions $ par Wasoko, la start-up d’e-commerce, basée au Kenya.

L’endettement prend de l’ampleur

Wave, MNT-Halan, Moove ou d.light… elles sont de plus en plus nombreuses à s’endetter pour financer leur développement sur le continent. Le constat semble encore plus marqué en 2022. Au moins 53 investissements par dette ont été recensés, pour un cumul de 724 millions $, 15% des ressources totales levées. 42 start-up différentes étaient concernées contre 33 en 2021.

Mais l’année a surtout été marquée par un effondrement des financements de développement. Dans un mouvement synchrone, les séries A, B, C ont chuté, alors que les financements d’amorçage semblent résister.

Université : où faut-il étudier pour lever des fonds en Afrique ?

Les Ceo des start-up ayant reçu les plus importantes tranches de financements en 2022 que Patrick Walsh de Sun King, Olugbenga Agboola de Flutterwave, Hugh Whalan de PEG Africa ou Nourredine Tayébi de Yassir, ont tous quelque chose en commun. Ils ont tous étudié hors d’Afrique, aux Etats-Unis, Angleterre, France, Canada…

En 2022, près de 73% des 4,85 milliards $ mobilisés par les start-up africaines l’ont été par un PDG ayant obtenu au moins un diplôme hors d’Afrique, soit une enveloppe de plus 3,5 milliards $. Sur le continent, il faut étudier soit au Nigeria, en Afrique du Sud ou en Egypte pour avoir plus de chance de lever des fonds.

Le financement des femmes toujours et encore plus faible 

Si les investissements réalisés dans les start-up africaines dirigées par des femmes ont été multipliés par près de sept au cours des dernières années, ce qui met en évidence leur potentiel d’attraction des investissements, le volume et les valeurs sont encore bien inférieurs à ce que les fondateurs masculins ont levé dans l’écosystème des start-up du continent. En 2022, les montants levés ont encore baissé. La part des investissements destinés aux start-up dirigées par des femmes qui était d’environ 6,5 % en 2021, est passée à 4%.

Quant aux start-up à capitaux exclusivement féminins (fondatrices), seuls 2,4 % des financements (85 deals) leur étaient destinés contre 85 % (722 deals) pour celles dont l’équipe est exclusivement masculine. Le plus gros financement reçu par une start-up fondée exclusivement par des femmes n’excède pas les 27,8 millions $. Et c’est Ubongo, une start-up tanzanienne qui produit des jeux éducatifs pour enfants, dont l’unique fondatrice a étudié en Europe, qui l’a réalisé.

Cette faible tenue peut être attribuée au fait que les jeunes pousses africaines sont plus concentrées dans des secteurs non financiers, mais d’autres pesanteurs sont encore à prendre également en considération.

Où vont les fonds ? 

Par sous-région, l’Afrique de l’Ouest continue d’être la première destination des fonds des capital-risqueurs sur le continent, en grande partie grâce au Nigeria. Malgré une légère baisse en glissement annuel (-12 %, de 2 milliards de dollars en 2021 à 1,8 milliard de dollars en 2022), l’écosystème nigérian, à lui seul, représente près de 70% de ce montant. Les autres financements significatifs sont allés au Ghana et au Sénégal.

Toutefois, il est à noter que la dominance de la partie occidentale du continent est de plus en plus menacée. Sa part est passée de 43% en 2021 à 37%.

En 2022, l’Afrique de l’Est, portée par le dynamisme au Kenya, a franchi pour la première fois la barre du milliard $, en attirant deux fois plus de fonds en 2022 que l’année précédente (1,2 milliard $, contre environ 600 millions $). Cet exploit est essentiellement tiré par l’univers start-up kényane.

L’Afrique du Nord continue d’être un important bénéficiaire des fonds. Les start-up de cette région ont réussi à lever 1,1 milliard $, soit une croissance de 62%, comparée à une année auparavant.

C’est la première fois que l’Afrique du Nord franchit également la barre symbolique du milliard $, indique Max Cuvellier. C’est une progression portée par les rondes de l’algérien Yassir (150 millions $, Série B), la fintech égyptienne Mnt-Halan (150 millions $, dette) et la biotech tunisienne InstaDeep (100 millions, Série B).

Plombée par les contre-performances en Afrique du Sud, l’Afrique australe est la région qui a subi la plus grande perte (-44 % par rapport à l’année précédente), passant de 1,1 milliard $ en 2021 à un peu plus de 600 millions $ en 2022.

Enfin, l’Afrique centrale, bien qu’ayant doublé ses chiffres de 2021, reste de loin la région la moins financée, totalisant seulement environ 50 millions $. Sa part totale du financement a dépassé toutefois les 1% pour la première fois.

Launch Africa en tête des investisseurs

Avec sa participation à au moins 60 transactions l’an dernier, Launch Africa, le fonds de capital-risque basé à Maurice, est l’investisseur le plus actif du continent, aux côtés de Black founders Fund, le fonds de Google qui offre des financements non dilutifs aux start-up fondées par des Noirs.

Y Combinator, le célèbre accélérateur californien, ferme le trio de tête, impliqué dans 43 opérations.

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