La Tunisie est le pays africain le plus à risque de faire défaut sur sa dette
Avec « un déficit budgétaire de près de 10 %, l’une des masses salariales du secteur public les plus élevées au monde », la Tunisie est le pays africain le plus à risque de faire défaut sur sa dette, prévient la banque américaine Morgan Stanley dans un récent rapport.
« L’Afrique a un groupe de pays qui vont au Fonds monétaire international (FMI), mais la Tunisie semble l’un des plus à risque », poursuit la banque américaine. En cas de défaut de paiement de la Tunisie, l’Etat ne serait plus en mesure de payer, dans les délais, ce qu’il doit à ses créanciers, qu’il s’agisse du capital emprunté ou des intérêts.
« Les spreads des obligations tunisiennes, c’est-à-dire la prime que les investisseurs exigent pour acheter la dette plutôt que les obligations américaines ont augmenté à plus de 2800 points de base et, avec l’Ukraine et le Salvador, la Tunisie figure sur la liste des trois principaux défaillants probables », précise Morgan Stanley.
Dans ces conditions, « un accord avec le FMI devient impératif », ajoute la banque américaine qui craint néanmoins que cet accord avec l’institution de Bretton Woods ne soit « difficile à obtenir » en raison « des efforts du président tunisien Kaïs Saïed pour renforcer son pouvoir ».
En mars dernier, la banque indiquait déjà que la Tunisie se dirigerait vers un défaut de paiement, si la détérioration actuelle de ses finances se poursuivait. « Dans un scénario où le taux actuel de détérioration budgétaire se poursuit, il est probable que la Tunisie fasse défaut sur sa dette l’année prochaine, à moins qu’il n’obtienne un programme rapide avec le FMI et ne procède à d’importantes réductions de dépenses ».
A la suite de la banque américaine, l’agence de notation de crédit Fitch avait également abaissé la note souveraine de la Tunisie de « B-» à « CCC », estimant qu’un déficit public de 8,5 % du PIB cette année ferait grimper son ratio dette/PIB à 84 %.
Pourtant, des négociations officielles autour d’un nouveau programme de financement ont démarré début juillet entre la Tunisie et le FMI. Le montant du financement qu’accordera l’institution de Bretton Wood reste inconnu.
Déjà fin juin, au terme de discussions techniques de plusieurs mois avec les autorités tunisiennes, le FMI s’était dit prêt à entamer des négociations portant sur la mise en place d’un programme de financement à condition que le pays mette en place un certain nombre de réformes et mesures.
« La Tunisie doit remédier de toute urgence aux déséquilibres de ses finances publiques en limitant la croissance de l’importante masse salariale de la fonction publique, en remplaçant les subventions généralisées par des transferts à destination des plus pauvres, en réformant les entreprises publiques qui perdent de l’argent, en ouvrant l’économie aux investissements du secteur privé », avait déclaré Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, lors d’un déplacement en Tunisie, les 20 et 21 juin derniers.
Dans ses indicateurs et conjoncture de la Tunisie pour le mois d’avril 2022, la direction du Trésor français indiquait « que la trajectoire d’endettement de la Tunisie est désormais insoutenable sans réformes. La dette publique est passée de 74,2 % du PIB en 2019 à 89,7 % en 2020, et devrait atteindre 90,2 % en 2021 […] La Tunisie fait face à de très grandes difficultés pour emprunter et financer ses besoins. La dégradation sociale s’est poursuivie avec un taux de chômage atteignant 18,4 % de la population active, le plus haut taux de chômage observé depuis 2011 ».
En dehors de la Tunisie, le Kenya, l’Egypte et le Ghana sont les autres pays africains « les plus vulnérables en raison du montant de leurs dettes à venir par rapport aux réserves et défis budgétaires en termes de stabilisation du fardeau de la dette ». L’Egypte par exemple a un ratio dette/PIB de près de 95 %. Le pays a en effet 100 milliards $ de dettes en devises fortes à rembourser au cours des cinq prochaines années, dont une importante obligation de 3,3 milliards $ en 2024. Malgré cela, le pays « devrait être en mesure de payer », estiment plusieurs analystes.
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